Pollution chimique : la cinquième limite planétaire vient d'être franchie

La cinquième limite planétaire vient d’être franchie. Sur les neuf processus naturels rendant notre planète habitable, seuls quatre sont encore stables. La pollution chimique est largement pointée du doigt.

De Margot Hinry
Publication 18 févr. 2022, 15:15 CET, Mise à jour 18 févr. 2022, 16:31 CET
NEJM Air Pollution

Une femme fait face à des vents violents lors d'une tempête de sable saisonnière à Pékin, en Chine. Les scientifiques estiment que la désertification et le changement climatique jouent un rôle dans leur fréquence et leur intensité. Les émissions provenant de la combustion de combustibles fossiles et les changements climatiques qui en ont résulté ont créé une pollution atmosphérique toxique.

PHOTOGRAPHIE DE Kevin Frayer, Getty Images

« On meurt étouffés de nos produits chimiques et plastiques » a écrit l’ancien directeur exécutif du Haut Conseil pour le Climat, Olivier Fontan sur Twitter après la parution de la nouvelle étude signée par 14 chercheur.euse.s du Stockolm Resilience Center dans la revue médicale Environmental Science & Technology.

En 2009, une équipe internationale de 26 chercheur.euse.s a publié des travaux de recherches menés par le professeur suédois Johan Rockströ du Stockholm Resilience Center, portant sur les neuf limites planétaires à ne pas dépasser pour permettre de réguler la biosphère. Il est question de seuils que l’humanité doit respecter pour que l’écosystème planétaire puisse se développer durablement.

Parmi ces limites planétaires, « ces neuf processus biophysiques qui, ensemble, régulent la stabilité de la planète » sont le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, les changements d’utilisation des sols, l’acidification des océans, l’utilisation mondiale de l’eau, l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère, l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère.

En 2009, trois d’entre elles avaient déjà été dépassées. Le changement climatique dépassant le seuil fixé entre 1,6 et 2,8 tonnes de CO2 émises par personne par an, augmentant considérablement les émissions de gaz à effet de serre. L’érosion de la biodiversité a également dépassé le seuil du taux d’extinction d’espèces animales et végétales. Les expert.e.s parlent désormais de « sixième extinction de masse ». Enfin, la perturbation du cycle de l’azote et du phosphore, provoquant la hausse du rejet de ces éléments dans l’eau et la perturbation des océans et des milieux aquatiques naturels. 

En 2015, le modèle conceptuel des limites planétaires évolue et une nouvelle limite est franchie, celle du changement d’utilisation des sols. Elle concerne essentiellement la surexploitation de forêts pour les transformer en terres agricoles, menant à la réduction des habitats et à une hausse des émissions de gaz à effet de serre.

Cette année, la cinquième des neuf limites a été dépassée et elle concerne la pollution chimique et l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère. En d’autres termes, il est question des trop nombreux plastiques, micro-plastiques et autres produits chimiques produits quotidiennement à un rythme effréné dans le monde entier.

« Notre capacité à comprendre la toxicité de ces produits dans l'environnement et l'impact des produits chimiques est très, très limitée. […] Au cours des vingt dernières années, nous avons acquis une bonne compréhension de 65 produits chimiques sur environ 350 000 » témoigne Bethanie Carney Almroth, écotoxicologue et co-autrice de l’étude.

LA BIOSPHÈRE ENVAHIE PAR LA POLLUTION CHIMIQUE

Il s’agit de la première étude au monde menée sur le nombre total de polluants chimiques et leurs effets. Jusqu’ici, aucune donnée n’était disponible pour cette limite planétaire.  

« Tous les plastiques que l’Homme produit peuvent se retrouver dans l’environnement. Il y a plusieurs types de polymères qui peuvent entrer dans la définition du micro-plastique. Souvent, on parle des "big six" qui sont les plus produits » indique Alexandra Ter Halle, chercheuse au CNRS, laboratoire interactions moléculaires et réactivité chimique et photochimique.

Ces polymères, dits de grande consommation, sont évalués en millions de tonnes et se retrouvent dans la plupart des usages plastiques du quotidien. « Ce que l’on trouve en majorité, le polyéthylène et le polypropylène, ce sont des polymères beaucoup utilisés dans les emballages. Ces plastiques vont se comporter différemment dans l’environnement ».

Le polypropylène et le polyéthylène sont des plastiques relativement légers qui flottent sur l’eau. « Ils vont être transportés par les fleuves et une fois face à la surface de la mer, ils voyagent sur de grandes distances » étaye la chercheuse. « Le PVC, le polystyrène ou le PET sont plus denses que l’eau. Quand on fait des images sous-marines dans les estuaires, on voit le panache de la pollution sur les fonds marins. Ils coulent à la sortie des fleuves ».

Entre la peinture, les médicaments ou les pesticides, la pollution chimique est omniprésente et pollue l’ensemble de nos écosystèmes. Selon un rapport du WWF publié en 2019, une personne pourrait ingérer « en moyenne 5 grammes de plastique par semaine, ce qui correspond à l’équivalent d’une carte de crédit. »

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    « On en ingère. Des études en laboratoire ont été faites montrant qu’il pouvait y avoir un transfert dans la chaîne trophique, ou bien d’une génération à l’autre. Quand on a inoculé des nanosphères de polystyrène à du poisson, on en a retrouvé dans les larves, donc, dans la génération d’après » confirme Alexandra Ter Halle.

    À ce jour, « Il y a une limite qui n'a pas encore été quantifiée. Il s'agit des aérosols atmosphériques et je sais qu'un groupe travaille actuellement sur ce sujet » explique Bethanie Carney Almroth.

    L’experte affirme que les individus à eux seuls ne peuvent pas résoudre ces questions environnementales. « C'est très difficile. Nous avons besoin d'un mouvement politique, avec les industries à bord. Et je ne pense pas que les industries bougeront tant qu'elles ne seront pas forcées à le faire. Nous avons besoin d'un changement qui vient du haut, mais qui est soutenu par la base ».

    « Il y a une prise de conscience dans l’utilité des objets. C’est le moment de parler de réutiliser, du recyclage, de la réduction de consommation » ajoute Alexandra Ter Halle, qui place sa confiance en la nouvelle génération. « Les jeunes, les futurs ingénieurs, les futurs cadres supérieurs et chefs d’entreprise sont très concernés par ces sujets. »

    La co-autrice de l’étude salue également des initiatives pouvant mener à des changements globaux. La 5e session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (UNEA-5) s'ouvrira fin février à Nairobi. « Il y a des propositions intéressantes mises sur la table, en espérant que cette année, de nouvelles solutions soient mises en place concernant les plastiques » conclut l’experte.

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