Catherine Tourette-Turgis, psychologue clinicienne, a contribué à la création du cursus universitaire impliquant des patients. Tout est parti d’une conviction : les patients au long cours acquièrent des connaissances sur leurs maladies qu’un médecin ne peut appréhender de la même manière, ne les ayant pas vécues dans son propre corps.

Dès lors, Catherine Tourette-Turgis, psychologue clinicienne, a cherché à intégrer des malades à des formations reconnues dans l’éducation thérapeutique. Et a créé l’Université des patients rattachée à Pierre-et-­Marie-Curie (aujourd’hui Sorbonne université).

La chercheuse, elle-même, n’a jamais été malade, mais parle de son parcours du côté des personnes vulnérables comme d’une évidence. Peut-être parce qu’enfant, elle a dû être placée dans plusieurs familles d’accueil. Dès la fin des années 1960, elle milite avec le mouvement des femmes, pour les droits des personnes homosexuelles et s’engage dès 1984 dans la lutte contre le sida, auprès de l’association Aides, puis Act Up, après un séjour à San Francisco.

« Les patients ont inventé la démocratie sanitaire »

« Avec le sida, j’ai tout de suite compris que les patients n’étaient pas le problème mais bien la solution, se souvient-elle. Les premières personnes touchées par le virus se sont photographiées pour reconnaître les symptômes et documenter l’évolution de la maladie. Ils ont inventé la démocratie sanitaire et ont ainsi été capables de conseiller, à la fois sur le dépistage et la prévention, des autorités alors complètement dépassées par les événements.

La psychologue multiplie les séjours et les expériences : au Burkina Faso pour la Croix-Rouge, au Burundi et au Togo pour le Sidaction (où elle participe à la construction de dispensaires pour donner aux populations locales un accès gratuit aux anti-rétroviraux), puis en Haïti, pour former les premiers patients experts sur le sida. « En 1987, cette notion émerge pour la première fois. Il fallait absolument former les malades, surtout dans ces pays où la maladie était source de mise à l’écart totale de la société », explique-t-elle.

15 millions de personnes vivent avec une maladie chronique en France

Rentrée en France, elle organise les premiers ateliers « estime de soi » à l’hôpital Saint-Antoine et à l’Hôpital européen Georges-Pompidou à Paris, en 2005. « Ces groupes d’entraide permettaient aux patients de garder le contrôle, explique-t-elle. Mais aussi, en se confrontant à d’autres récits, de prendre de la distance avec leur propre histoire. »

Partant du constat que 15 millions de personnes vivent en France avec une maladie chronique, elle décide d’intégrer 30 % de patients à des formations sur l’accompagnement thérapeutique qu’elle dirige à l’université Pierre- et-Marie-Curie à Paris, en 2009. « Je n’ai prévenu personne, dit-elle sourire aux lèvres. J’ai appris cette technique dans la lutte féministe et je peux vous dire que je me suis fait remonter les bretelles ! »

Dix ans après les débuts de l’Université des patients, elle pense toujours qu’« avec les malades, tout a beaucoup plus de sens » et attend avec impatience l’arrivée d’une nouvelle promotion dans les semaines à venir. « Pendant un an, on voit nos étudiants se découvrir, construire leurs projets professionnels pour la suite, se réjouit-elle. C’est magnifique ! »