En 2018, le bilan des morts de migrants en Méditerranée s’élève à 2 260 personnes. Et malheureusement la situation pourrait durer puisque, depuis le début de l’année, leur nombre a augmenté, comparé à la même période 2018. L’arrivée de l’été et d’une météo plus clémente devrait encore favoriser les départs. En Libye, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont constaté une reprise : « Au mois de mai, sur une seule zone de la côte, nous avons dénombré 791 personnes bloquées par les garde-côtes libyens et ramenées au port. Bien plus que les mois précédents. » Sur la voie maritime la plus meurtrière du monde pour les migrants, l’été n’évite pas les naufrages.

Et les forces armées maltaises en sont convaincues, elles qui ont mené ces derniers jours des opérations de secours dans leur espace de surveillance, sauvant 271 migrants de la noyade. Mais les sauvetages en mer ont été ralentis par la mise à l’arrêt de quatre navires humanitaires. Un seul continue de sillonner la zone de migration. Un espace immense que les garde-côtes libyens sont seuls à couvrir. Quelques navires civils se risquent au sauvetage mais sont confrontés à des difficultés.

Bloqués à l’entrée des ports

Depuis le 1er juin, un remorqueur égyptien attend au large des côtes tunisiennes avec 75 migrants à bord, dont au moins 32 enfants et mineurs non accompagnés. À l’entrée du port de Zarzis, le capitaine n’a toujours pas reçu l’autorisation des autorités pour accoster alors que les personnes secourues ont besoin d’eau, de nourriture et de soins. Un médecin dépêché à bord a pu constater que quatre personnes requièrent une intervention médicale et que la plupart d’entre elles sont atteintes de la gale infectieuse.

Les autorités tunisiennes sont régulièrement confrontées à ces situations. En juillet dernier, un navire commercial ayant secouru 40 immigrés clandestins a aussi attendu en mer pendant deux semaines avant d’être autorisé à accoster. Une attente qui inquiète Julien Raickman, chef de mission de MSF en Libye : « L’Europe a une énorme responsabilité dans l’attitude des autorités tunisiennes. En fermant les ports européens aux navires qui ont secouru des migrants, elle donne l’exemple. On fait face à un glissement de la norme : en dépit de la morale et du droit maritime, ces décisions sont acceptées et se normalisent. »

Prisonniers des camps de détention libyens

Quand les migrants sont arrêtés par les garde-côtes libyens, ils sont envoyés dans des camps de détention. Selon MSF, ils seraient environ 5 800, répartis dans 16 camps. Placés sous l’autorité légale du ministère de l’intérieur libyen, ces camps sont en réalité gérés par des milices. Et avec la guerre qui touche le pays, l’autorité du pouvoir central sur ces milices est encore plus précaire.

MSF dénonce des conditions de détention inacceptables : « Les bâtiments ne sont pas du tout adaptés. Il n’y a pas d’espace, les aérations sont bouchées, ce qui favorise la circulation des maladies. Le taux de tuberculeux est alarmant et la plupart souffrent de malnutrition », rapporte Julien Raickman. Alors que l’évacuation des camps se fait au compte-gouttes, le HCR a obtenu le transfert de 96 personnes depuis le centre de détention de Zintan à Tripoli, en Libye, vers un centre de rassemblement et de départ. Ce groupe est originaire de Somalie, d’Érythrée et d’Éthiopie et compte deux nouveau-nés.

Mais les garde-côtes libyens ramènent toujours plus de détenus arrêtés en mer. Ces dernières semaines, 400 migrants ont été évacués, quand 1 300 ont été placés dans le centre : « On nous parle de corridor humanitaire, d’évacuation, mais ces gens sont ramenés dans des camps de détention aux conditions de vie terribles, dans un pays en guerre, et cela n’est pas remis en question. »

Ces camps de transfert et d’évacuation, à Tripoli ou au Niger, sont désormais pleins. MSF demande aux pays qui le peuvent d’ouvrir plus de places pour accueillir ceux qui répondent au statut de réfugié.