« La grève dans 16 sites Sanofi est historique »

France /
06/12/2022 | 06h50

La Marseillaise : Quelles sont les revendications des salariés de Sanofi ?

Jean-Louis Peyren : La première de nos revendications est l’embauche de deux-tiers des précaires du groupe Sanofi, une augmentation de 10% des salaires, un rattrapage de 5% sur l’année 2022 et la prime de partage de la valeur [anciennement prime Macron Ndlr.] à hauteur de 10 000 euros. On peut se dire que 10% c’est beaucoup, mais Paul Hudson, le PDG du groupe, propose une augmentation des dividendes des actionnaires de 16%, ce qui représente une enveloppe de 700 millions d’euros.

Que propose la direction ?

J-L.P. : La proposition de la direction est une augmentation de 4%, soit 50 millions d’euros. Si l’on compare avec ce que vont toucher les actionnaires, les revendications de la CGT sont donc inférieures. Mais le groupe fait le choix de ses actionnaires et pas de ceux qui produisent les richesses. On nous propose 4% et une prime sur le partage de la valeur de 2 000 euros. Dans le groupe Sanofi il y a 3 700 précaires, soit CDD, soit intérimaire, ce qui est abusif. La direction, afin de résorber la précarité dans le groupe Sanofi, propose 250 embauches...

Le mouvement a débuté le 15 novembre dernier. Quels sites sont touchés, pour combien de grévistes ?

J-L.P. : Plus de 16 sites sont en grève : de la recherche à la production en passant par la distribution. On a des sites qui sont en blocage total, c’est le cas pour deux sites en Normandie, Le Trait et Val de Reuil. Le site de Marcy l’Étoile, en région lyonnaise est en blocage, rejoint depuis lundi matin par Sisteron, Montpellier et Vitry-sur-Seine. La mobilisation dépend des jours, on a entre 2 500 et 4 000 salariés en grève. Mais aussi des événements, les discussions autour des NAO mobilisent plus. C’est historique chez Sanofi, on n’a jamais eu, au même moment, la totalité des sites en grève, les seuls sur lesquels on travaille encore ce sont ceux des sièges : Paris et Gentilly. Tous les autres sont à l’arrêt complet.

Qu’est-ce qui mobilise autant les salariés ? Le contexte inflationniste ?

J-L.P. : L’inflation ça a peut être été l’élément déclencheur, bien sûr que ça joue. Il faut quand même savoir que depuis 2008, Sanofi enchaîne les plans d’économie. À chaque fois, on demande des efforts aux salariés. En 14 ans, on atteint les 8,5 milliards d’euros d’économie et 15 sites qui ont fermé et ont été vendus, rien qu’en France. On parle ici de recherche et/ou de distribution. En revanche, sur les 14 dernières années, les dividendes n’ont cessé d’augmenter. En 2008 on était 27 500 dans le groupe et plus que 19 950 en septembre 2022. Et Sanofi continue de toucher des impôts recherche, a la possibilité d’être exonéré de certaines cotisations sociales. Voici un exemple parlant et d’actualité : l’État est plus généreux avec Sanofi que ce que l’ont été les Français avec le Téléthon cette année. Les dons ont difficilement atteint les 80 millions d’euros mais en attendant, les Français font chaque année un don de près de 100 millions d’euros à Sanofi. Il faut bien aller chercher l’argent du crédit d’impôt quelque part, donc, dans les poches des Français. Et pendant ce temps, les gros s’engraissent.

Vous pointez les incohérences du président de la République ?

J-L.P. : Le président Macron a dit il y a quelque temps aux patrons du CAC40, qu’il fallait que des efforts soient faits sur les salaires. Le même, a fait envoyer des CRS sur le site Sanofi de Gentilly, le 23 novembre dernier. Les salariés ont été reçus à coups de matraques et de gaz lacrymogène alors qu’ils demandaient ces mêmes augmentations. Nous ne sommes plus dans le « en même temps » mais dans le double langage. Sanofi a des liens directs avec l’État et notamment avec le président Macron qui a même décoré le président du groupe Sanofi Serge Weinberg [nommé au grade de grand commandeur en janvier 2020 Ndlr.]. Dans les médias, on nous fait voir les grèves des médecins libéraux, des bouchers qui souffrent de l’inflation, les contrôleurs de la SNCF, parce que forcément, ça gêne dans les transports, mais nous chez Sanofi, on ne perturbe personne donc on n’en parle pas. On en arrive à devoir entraver ou gêner le quotidien des Français pour que l’on parle de nous. Si nous devons bloquer le périphérique parisien pour que l’on s’intéresse à nos revendications, on le fera. Si l’on n’emmerde pas les Français on passe totalement en dehors des radars et c’est très dommage.

Les salariés de Sanofi ont entamé un mouvement de grève massif le 14 novembre dernier. Les salariés revendiquent, entre autres, des augmentations de salaires suffisantes pour contrer l’inflation et l’embauche de deux tiers des précaires présents dans le groupe. Selon la CGT, 16 sites ont rejoint la contestation qui ne cesse de s’étendre. Et ce, au moment même où le PDG du géant pharmaceutique Paul Hudson, figure dans le top 5 des dirigeants les mieux payés en 2021, selon un rapport du cabinet de conseil aux actionnaires Proxinvest avec 9 millions d’euros à lui seul.