Dans un entretien au Monde, le pharmacien Bruno Bonnemain, vice-président de l’Académie nationale de pharmacie, détaille les raisons variées des pénuries en cours et propose des pistes d’amélioration.
Quels médicaments sont aujourd’hui concernés par les tensions d’approvisionnement ?
Les médicaments les plus touchés ont d’abord été les anticancéreux, les antibiotiques, les anti-inflammatoires. Mais, en réalité, toutes les classes thérapeutiques sont touchées. Ce sont surtout des médicaments anciens peu chers, la plupart du temps des génériques. Nous avons beaucoup de ruptures en ce moment dans les officines, mais il y en a au moins autant au niveau de l’hôpital. Les injectables, utilisés essentiellement à l’hôpital, sont beaucoup plus concernés que les formes sèches.
Quelles en sont les causes ?
Les causes sont multiples et varient en fonction des produits et des périodes. Par exemple, en ce moment, il y a beaucoup de problèmes liés à la guerre en Ukraine parce que les blisters des emballages nécessitent de l’aluminium qui vient la plupart du temps de ce pays. Pareil pour le verre. On a même des problèmes de fourniture de seringues au niveau des hôpitaux et de flacons dans les pharmacies. Outre ces phénomènes conjoncturels, il y a des phénomènes structurels anciens.
Globalement, il y a eu un mouvement de transfert et de sous-traitance de la production vers d’autres pays. D’abord, en raison de l’arrivée des génériques, il y a une vingtaine d’années, qui ont confronté l’industrie pharmaceutique au problème des marges sur les produits anciens. Cela l’a conduite à délocaliser en Asie la fabrication des matières premières, et même des produits finis, pour réduire les coûts.
Ensuite, les contraintes réglementaires environnementales européennes ont poussé les industriels à produire en Asie, en particulier en Inde, où elles sont beaucoup plus faibles. Enfin, le fait d’avoir des génériques a conduit des pays à proposer des prix extrêmement bas. Mais on se retrouve dans une situation où les rentabilités sont tellement faibles que personne ne peut investir. On s’attend, en 2023, à la disparition d’un certain nombre de produits du marché français.
Quelles sont les conséquences concrètes de cette sous-traitance ?
Cela a beaucoup complexifié la chaîne de fabrication et de libération des produits. De multiples acteurs peuvent intervenir aujourd’hui sur cette chaîne, si bien que le moindre grain de sable dans le système complique tout. Il y a une vingtaine d’années, les entreprises fabriquaient d’un bout à l’autre les produits et donc contrôlaient l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.
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