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Contraception : la pilule sans ordonnance veut conquérir l'Europe

Pour faciliter la contraception, une pilule du laboratoire français HRA Pharma est disponible sans ordonnance outre-Manche depuis l'an dernier. Une demande de vente libre a été déposée aux Etats-Unis cet été et l'Europe est dans le viseur.

Pour obtenir des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne la vente sans prescription, en 2015, HRA Pharma y a racheté une pilule vendue depuis des décennies, donc bien connue, et qui est progestative, c'est-à-dire sans oestrogène donc sans risques ni contre-indications, et a mené des années de négociations.
Pour obtenir des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne la vente sans prescription, en 2015, HRA Pharma y a racheté une pilule vendue depuis des décennies, donc bien connue, et qui est progestative, c'est-à-dire sans oestrogène donc sans risques ni contre-indications, et a mené des années de négociations. (Patrick Allard/REA)

Par Myriam Chauvot

Publié le 25 oct. 2022 à 15:05Mis à jour le 25 oct. 2022 à 16:29

Turquie, Corée du Sud, Brésil, Mexique et, plus près de la France, Portugal, Grèce… Dans ces pays, la pilule est disponible sans ordonnance depuis des années. Depuis 2021, c'est aussi possible en Angleterre grâce au laboratoire pharmaceutique français HRA Pharma, qui a lancé cet été une demande de vente libre aux Etats-Unis - où le débat sur l'avortement fait rage. Le laboratoire compte désormais déposer son dossier dans divers pays européens.

En France, le sujet tente d'émerger. Plusieurs amendements au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2023, déclarés irrecevables, avaient été déposés pour autoriser les pharmaciens à initier ou renouveler pour trois mois une contraception orale sans ordonnance, dans l'attente d'un rendez-vous avec un médecin et, selon l'exposé des motifs, pour éviter l'usage répété par certaines femmes de la contraception d'urgence (dite « pilule du lendemain »).

Pionnier de la pilule du lendemain

Basé à Paris, HRA Pharma est petit (à peine plus de 350 millions de chiffre d'affaires) mais pionnier. Il a été à l'origine de la « pilule du lendemain » (le Norlevo) en 1999. Puis de la « pilule du surlendemain » (EllaOne) . Il distribue dans toute l'Europe ses deux produits, qui restent (avec leurs génériques depuis 2020) les seules contraceptions d'urgence disponibles en France sans ordonnance.

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HRA Pharma, qui réalise un tiers de son chiffre d'affaires dans la contraception d'urgence (le reste dans les pansements, dont la marque Compeed, et dans les maladies rares ), était absent de la contraception régulière jusqu'en 2015, quand il a acquis une pilule existante outre-Manche, puis une autre aux Etats-Unis, dans l'optique de demander leur mise en vente libre.

Un pari basé sur un constat : « En Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, 45 % des grossesses sont non désirées, contre un tiers des grossesses en France comme en Europe », explique Frédérique Welgryn, directrice des opérations stratégiques et de l'innovation chez HRA Pharma. Pourtant, en Grande-Bretagne, par exemple, la contraception et la consultation pour y accéder sont gratuites. Mais il y a pénurie de médecins. De même, aux Etats-Unis, « un tiers des femmes disent avoir déjà eu du mal à accéder à la contraception ou à la renouveler », observe Frédérique Welgryn.

Pilule sans risques

De 40 % à 60 % des grossesses non désirées finissent en avortement, le reste en naissances qui se passent souvent mal pour la mère comme pour l'enfant, avec des complications et un besoin important de suivi médical et social. C'est un problème de santé publique, qui, de surcroît, coûte cher à l'Etat : 21 milliards de dollars par an aux Etats-Unis pour les grossesses non désirées d'Américaines à faible revenu, ont estimé des économistes en 2010.

Pour obtenir des autorités la vente sans prescription, HRA Pharma a racheté dans chacun des deux pays une pilule vendue depuis des décennies, donc bien connue. Et qui est progestative, c'est-à-dire sans oestrogène, donc sans risques (thrombose veineuse, AVC…) ni contre-indications (tabac, hypertension, poids, etc.), contrairement aux pilules hormonales ou combinées.

Déposée fin 2018 outre-Manche, sa demande de reclassification de la pilule Hana a été acceptée par l'Agence anglaise du médicament en juin 2021 après négociations et réécriture de la notice pour plus de clarté dans un usage sans médecin. Le processus est plus long pour reclassifier sa pilule Opill aux Etats-Unis, où il n'y a pas de pharmacies similaires au modèle français.

« Les médicaments sans ordonnance s'achètent dans les drugstores comme Walgreens ou Walmart, où on se sert soi-même. Donc les autorités demandent à mener une étude en vie réelle d'achat sans ordonnance, pour s'assurer que les femmes comprennent et respectent les instructions de prise sans l'intervention d'un médecin », explique Frédérique Welgryn.

Testé plus de quatre ans

Cette étude a été menée pendant plus de quatre ans avec un millier d'Américaines, qui rentraient leurs données dans un journal. HRA Pharma a pu en produire les résultats en 2021, année de son rachat par le groupe américain d'automédication Perrigo , et a déposé sa demande officielle aux Etats-Unis en juillet 2022.

Il n'est pas le seul. Un concurrent, Cadence, demande la reclassification de deux pilules combinées (contenant de l'oestrogène), Lo-Ovral et Alesse, utilisées aux Etats-Unis et en Europe. La Grande-Bretagne, elle, a reclassifié en juillet 2021 une deuxième pilule (Lovima, également progestative) d'un challenger, Maxwellia, une société de conseil qui s'est lancée sur le créneau de la reclassification des médicaments.

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HRA Pharma regarde dans quels pays européens racheter une pilule et déposer dans la foulée sa demande. Pour éviter la concurrence, il ne dévoile pas les pays ciblés. Pas sûr que la France soit sa priorité, car malgré un tiers de grossesses non désirées, le monde de la santé y est réticent, craignant que des femmes arrêtent leur suivi par un médecin en cas de libre accès. Mais dans un monde où, comme le rappelle un rapport du Fonds des Nations unies pour la population, 50 % des grossesses sont non désirées, « notre pôle contraception connaît une croissance à deux chiffres », remarque Frédérique Welgryn.

Myriam Chauvot

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