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EXCLUSIF - Les laboratoires remportent leur bras de fer avec l'Etat sur les dépenses d'immunothérapie contre le cancer

Le budget de la Sécurité sociale pour 2021 prévoyait que tout chiffre d'affaires supérieur à 850 millions d'euros dans cette classe de médicaments innovants serait surtaxé. Les industriels ont obtenu in extremis la suppression sous conditions de cette clause.

Préparation d'un traitement d'immunothérapie à l'hôpital Foch à Paris.
Préparation d'un traitement d'immunothérapie à l'hôpital Foch à Paris. (Garo/Phanie via AFP)

Par Solveig Godeluck

Publié le 6 oct. 2020 à 14:30Mis à jour le 6 oct. 2020 à 19:09

Quand on y a goûté une fois, difficile de ne pas y revenir. La clause de sauvegarde mise au point par la gauche en 2014 pour limiter l'impact budgétaire des nouveaux médicaments contre l'hépatite C a fait un fugace retour dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 , en ciblant cette fois les immunothérapies contre le cancer.

Mais les industriels furieux contre cette mesure du gouvernement ont, selon nos informations, obtenu in extremis la suppression de cette disposition, qui ne figurera pas dans le projet de loi finalement présenté en Conseil des ministres ce mercredi.

« Suite aux concertations, nous allons plutôt laisser les partenaires conventionnels jouer leur rôle et négocier ensemble le montant de baisses de prix que nous avions envisagé », reconnaît-on au ministère de la Santé. « Nous nous sommes donné rendez-vous à l'automne prochain, et si le rendement n'est pas atteint, nous rétablirons la clause de sauvegarde à titre rétroactif pour 2021. »

Rendez-vous à l'automne prochain

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Au départ, le gouvernement avait fixé un nouveau « montant A » de 850 millions d'euros pour 2021. S'ils outrepassaient ce plafond de chiffre d'affaires dans l'année, les laboratoires pharmaceutiques qui commercialisent des « inhibiteurs de points de contrôle immunitaire » devaient collectivement verser à l'Assurance-maladie des remises élevées, croissant avec les volumes de vente.

Ce mécanisme d'écrêtement a été si dissuasif par le passé avec l'hépatite C , que le plafond a rapidement cessé d'être atteint , Gilead et les autres laboratoires ayant accepté de modérer leurs tarifs. Sans cela, la Sécurité sociale aurait pu enregistrer 1 milliard de déficit supplémentaire en 2015.

Plus de 20.000 malades concernés

Dans cette nouvelle classe thérapeutique, les médicaments stars s'appellent Opdivo (BMS) et Keytruda (Merck). Ces immunothérapies, dont le prix a été négocié fin 2017 afin de limiter la facture à 600 millions d'euros maximum pour la Sécurité sociale, ont désormais chacune une douzaine d'indications en France pour des formes de cancers variées. Mais elles ne sont pas seules : Bavencio (Merck), Tecentriq (Roche) et Imfinzi (AstraZeneca) sont en train de monter en charge. Le français Sanofi est lui aussi entré sur ce marché d'avenir, avec deux molécules sur la rampe, Libtayo et Sarclisa.

Selon nos informations, les populations cibles sont désormais estimées entre 20.000 et 30.000 personnes, et la facture nette des remises négociées avoisinerait le milliard d'euros pour l'Assurance-maladie en 2021, après être passée de 276 millions en 2016 à 646 millions en 2019 (+34 % par an).

Cette clause de sauvegarde n'aurait cependant pas eu le même impact que celle sur l'hépatite C. Parce qu'il ne s'agit plus d'un médicament qui coûte très cher pendant trois ans, le temps de traiter et de guérir un stock de malades limité. En matière d'immunothérapies contre le cancer, il faut s'attendre à une montée continue des dépenses, sur la durée - et même l'espérer, dans l'intérêt des malades.

Un plafond insuffisant

Ce renchérissement a deux moteurs. Premièrement, les nouvelles stratégies thérapeutiques accroissent à la fois les volumes et le coût des traitements. Les molécules onéreuses entrent sur le marché avec une indication ciblée, puis étendent leur champ de prescription. De plus en plus, elles se combinent entre elles. Deuxièmement, on ne vend plus un traitement qui guérit en un mois, façon hépatite C, mais on maintient en vie les malades, traités pendant des années.

Bref, le plafond de 850 millions d'euros risque d'être rapidement insuffisant pour répondre aux enjeux de l'innovation. Certes, la plupart des laboratoires ont intérêt à ce que les économies se focalisent sur les fabricants d'immunothérapies, plutôt que sur un autre mécanisme d'écrêtement, le « montant M », applicable à l'ensemble du chiffre d'affaires remboursé de l'industrie pharmaceutique.

Ce dernier a été fixé pour 2021 à 23,99 milliards d'euros, en hausse de 1 % par rapport à 2019. De ce point de vue, les industriels sont plutôt rassurés, à la fois par la baisse des économies demandées (640 millions au lieu de 920 millions en 2020) et par la clarté des règles du jeu.

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La suppression du « montant A » est une preuve supplémentaire que le gouvernement leur tend la main. « Si le gouvernement retire sa mesure, c'est qu'il fait le pari de la négociation, ce qui nous satisfait », se réjouit un industriel.

Solveig Godeluck

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