Une enfant en train de jouer (illustration)

Les données, encore préliminaires, ne semblent pas indiquer que le nouveau variant infecte plus les enfants que les autres.

afp.com/Lionel BONAVENTURE

La découverte du variant B.1.1.7 (ou VUI-202012-01) au Royaume-Uni en décembre dernier ne cesse d'inquiéter les spécialistes. Les données récoltées par les scientifiques sont de plus en plus précises au fil des semaines, mais elles restent encore préliminaires. Les questions concernant les effets des mutations de cette nouvelle souche sont donc encore nombreuses. Néanmoins les premiers travaux, qui concernent notamment la transmissibilité, apportent des éléments de réponse.

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Ainsi, le variant B.1.1.7 pourrait être 50% plus contagieux que les autres versions du virus, selon les études de l'Ecole de médecine tropicale de Londres, de l'Institut Anglais de santé publique PHE ou encore du New and Emerging Respiratory Virus Threats Advisory Group. S'il s'agit de résultats préliminaire qui demanderont confirmation, cette caractéristique a de quoi inquiéter puisqu'elle signifierait que ce variant a la capacité de mieux infecter ses hôtes et donc de se répandre plus rapidement dans toute la population. Les systèmes de soins des pays déjà durement touchés pourraient donc subir de nouvelles vagues éreintantes.

Est-il plus contagieux pour les enfants ?

Certaines rumeurs, notamment portées par une interview d'une infirmière du King's College Hospital de Londres, ont suggéré que ce variant ciblerait plus spécifiquement les enfants. Pour autant, les données récoltées jusqu'ici ne le démontrent pas et la plupart des médecins et scientifiques ont démenti ces propos. Trois analyses menées par l'agence Public Health England, le Bureau des statistiques nationales du Royaume-Uni et l'École d'hygiène et de médecine tropicale de Londres, indiquent d'ailleurs que le nouveau variant a la même transmissibilité pour toutes les tranches d'âge. En d'autres termes, le variant B.1.1.7 est plus contagieux en général, mais il n'existe pas de preuve selon laquelle il toucherait plus ou moins certaines catégories d'âge. Ce variant progresse de la même manière dans toute la population : il touche plus de personnes, dont plus d'enfants, plus d'adolescents mais aussi plus d'adultes.

Seul un rapport de l'Imperial College of London montre que le variant touche plus spécifiquement les enfants. Un graphique issu de cette étude montre notamment une surreprésentation du variant chez les jeunes de moins de 20 ans. Mais plusieurs experts indiquent qu'il s'agit d'une analyse biaisée par "l'effet transitoire du confinement", souligne Muge Cevik, virologue et spécialiste des maladies infectieuses à l'Université de St-Andrews, citant un rapport de l'École d'hygiène et de médecine tropicale de Londres. En d'autres termes : la plus grande proportion du variant chez les plus jeunes s'explique parce que les prélèvements ont été faits alors que le pays était confiné alors que les écoles étaient encore ouvertes.

Provoque-t-il des formes plus graves, est-il plus mortel ?

De la même manière, des rumeurs ont fait état d'un plus grand nombre d'hospitalisations chez les plus jeunes. "C'est tout simplement faux", balaye sur Twitter Ronny Cheung, pédiatre à l'hôpital pour enfant Evelina London. Les derniers chiffres sur les hospitalisations et admissions en réanimation liées au Covid-19, publiés le 31 décembre, ne montrent qu'une légère évolution pour les enfants âgés de 0 à 4 ans et de 5 à 14 ans depuis le début du mois de novembre. Mais il s'agit là d'une conséquence logique au plus grand nombre de cas observés au Royaume-Uni dans toutes les tranches d'âges de la population. "Au fur et à mesure que les cas dans la population augmenteront, il y aura une légère hausse du nombre d'enfants atteints du Covid-19, mais pour l'écrasante majorité sans symptôme ou avec une forme légère de la maladie", précise Le Royal College of Paediatrics and Child Health dans un communiqué.

Plus généralement, l'étude du PHE indique que le variant B.1.1.7 ne causerait pas davantage d'hospitalisations ni de décès que les autres souches. Les chercheurs ont comparé les résultats cliniques de 1769 personnes infectées par le nouveau variant avec 1769 infectées par des versions "traditionnelles" du virus. Selon leurs résultats, le nombre de personnes hospitalisées dans les deux groupes était similaire, tout comme le taux de réinfection ainsi que la mortalité à 28 jours. Les chercheurs estiment donc que les individus - enfants ou adultes - infectés par le variant ne devraient pas développer des formes plus graves ou mortelles du Covid-19. En revanche, comme le nouveau variant semble se transmettre plus facilement, il va donc, à l'échelle globale, infecter plus de gens et, statistiquement, augmenter le nombre de formes graves et mortelles.

Faut-il fermer les écoles ?

La majorité des pédiatres s'accordent à dire que la scolarisation est essentielle dans le développement intellectuel et social des enfants. Mais les écoles restent un foyer de propagation important. En ce sens, la réponse à apporter semble loin d'être évidente, comme le rappelle Alasdair Munro, chercheur en maladies infectieuses pédiatriques au NIHR, Southampton Clinical Research Facility, sur Twitter. "Il est légitime, dans le contexte actuel, de plaider en faveur d'une fermeture généralisée. La transmission massive et incontrôlée au sein de la communauté et les problèmes imminents concernant la capacité des hôpitaux, avec une forte prévalence des infections chez les enfants (surtout les adolescents), constituent un mauvais mélange, écrit-il. Mais, cela provoquerait des préjudices massifs et permanents pour les enfants, qui ont déjà manqué des mois d'école à cause de la pandémie."

Selon lui, les écoles devraient être fermées en dernier recours. Et si elles le sont, il faudra déterminer pour combien de temps, planifier la réouverture, éviter les inégalités sociales que les fermetures provoqueront, etc. En attendant, des mesures plus strictes devraient être appliquées, comme l'aération régulière des salles de classe, ou l'installation de dispositifs de filtrage d'air.

Pourquoi ce variant serait-il plus contagieux ?

Tous les virus mutent. Le coronavirus Sars-CoV-2 ne fait pas exception. Depuis le début de l'épidémie de Sars-CoV-2, les chercheurs ont d'ailleurs catalogué plus de 20 000 mutations, mais la plupart n'ont soit aucun effet sur le virus, soit un effet négatif. Le variant B.1.1.7 comporte, lui, 23 mutations. Si aucune n'est nouvelle, la combinaison de toutes ces mutations l'est. Surtout, plusieurs d'entre elles concernent la protéine de spicule - la protéine Spike -, qui permet au virus de se fixer aux cellules humaines afin de les infecter. Des chercheurs avancent l'hypothèse selon laquelle ces mutations pourraient permettre au variant B.1.1.7 de se fixer plus efficacement aux cellules humaines, ce qui expliquerait sa plus forte contagiosité.

Novel coronavirus sars-cov-2 spike protein

Au fond, une impression 3D d'une particule virale du SRAS-CoV-2 recouvert des protéines de spicule (en rouge). Devant, une impression 3D d'une des protéines de spicule.

© / IMAGE POINT FR / NIH / NIAID / IMAGE POINT FR / BSIP via AFP

Les scientifiques ont également remarqué que la charge virale des patients infectés par ce variant est plus grande que la charge virale des patients infectés par les souches "traditionnelles". Or, plus la charge virale est importante et plus les chances d'être contagieux augmentent. Des chercheurs du laboratoire de Santé Publique de Birmingham ont d'ailleurs prépublié une étude - ni relue ni corrigée par les pairs - dans laquelle ils ont analysé 641 échantillons de virus prélevés sur des patients exprimant des symptômes comme la toux. Selon leur analyse, 35% des patients contaminés par le variant B117 avaient une forte charge virale dans le sang, contre 10% contre les patients non contaminés par ce variant. Une chose est sûre, l'épidémie explose au Royaume-Uni, à tel point que les hôpitaux sont au bord de la saturation.

covid uk

Nombre de patients hospitalisés Covid-19 au Royaume-Uni et en France. Bien que la population soit similaire dans les deux pays (respectivement 66,6 et 66,9 millions d'habitants), les hôpitaux britanniques sont au bord de la saturation.

© / Our World In Data

Pourquoi tant de mutations ?

"Nous sommes en présence d'une lignée qui a accumulé de nombreuses mutations en peu de temps. L'hypothèse expliquant cet état de fait est que le Sars-CoV-2 a infecté un patient immunodéprimé [dont le système immunitaire est déficient, NDLR] et a persisté de nombreux mois dans son corps, ce qui lui a permis d'accumuler de nombreuses mutations avant de se propager dans la population générale, indiquait en décembre à L'Express François Balloux, professeur à l'Université College of London et directeur de l'institut de génétique UCL. Mais il faut rester prudent, nous ne pouvons pas affirmer que ce soit cette explication qui prime."

L'hypothèse est également avancée dans un rapport publié par le Consortium COG-UK. Les chercheurs britanniques y rappellent que de précédentes études ont rapporté des cas de taux de mutations particulièrement élevés chez des patients immunodéprimés ou immunodéficients dont l'infection persistait parfois 2 à 4 mois, voire plus. Ces patients sont généralement traités à l'aide de plasmas de patients convalescents, un traitement qui consiste à prélever les anticorps d'une personne qui a été infectée par le coronavirus et de les transférer à un autre malade. Or, une étude suggère que la durée de l'infection par le virus et l'utilisation du plasma chez un patient immunodéprimé expliquerait que les variants qui ont résisté sont ceux qui présentaient une mutation permettant de tromper les anticorps. A la manière des bactéries qui finissent par résister aux antibiotiques.

Le nouveau variant résistera-t-il face aux anticorps naturels et des vaccins ?

La grande majorité des personnes infectées ces derniers mois l'ont été par des souches différentes que celle du variant britannique. Les anticorps qu'ils ont alors produits seront-ils aussi efficaces face au nouveau variant ? La même question se pose pour les vaccins développés actuellement, qui reposent sur le fait de forcer le corps à produire des anticorps visant notamment la protéine spicule. Or plusieurs mutations du variant concernent justement cette zone du coronavirus.

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Néanmoins, des chercheurs, dont le Pr. Akiko Iwasaki, immunologiste à l'Université de Yale (Etats-Unis) et Winn Haynes, data scientifique à Serimmune, une entreprise de biotechnologie indiquent que "B.1.1.7 ne semble pas échapper aux anticorps créés lors d'anciennes infections" ou des vaccins. A ce stade, "il n'existe aucune preuve selon laquelle les vaccins seront moins efficaces avec ce nouveau variant", indiquent-ils sur Twitter. Ce qui ne veut pas dire que des variants échappant aux anticorps n'apparaîtront pas dans le futur.

Les scientifiques du monde entier devront donc rester vigilants, notamment en continuant leurs enquêtes génomiques afin de traquer toutes les mutations. Bonne nouvelle néanmoins, la plupart des chercheurs s'accordent à dire que la redéfinition d'un vaccin - l'adapter à d'éventuelles mutations - peut être effectuée très rapidement, notamment ceux développés avec la technologie d'ARN messager, ce qui est le cas des premiers vaccins disponibles.

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